Loi de Finances 2025 : quels leviers repenser pour les professionnels du patrimoine ?

La Loi de Finances 2025 confirme une tendance entamée depuis plusieurs exercices : celle d’une fiscalité de plus en plus ciblée, assumée et orientée vers la soutenabilité budgétaire de l’État. Dans un contexte où les priorités nationales évoluent (défense, transition énergétique, innovation), les arbitrages se durcissent, et le cadre fiscal se recompose.

Pour les conseillers en gestion de patrimoine, cette nouvelle loi n’est pas un simple ajustement de curseurs. Elle engage des mutations durables sur plusieurs fronts — fiscalité des revenus, fiscalité du capital, immobilier, transmission et environnement économique général.

Voici un décryptage des changements les plus structurants et de ce qu’ils impliquent en matière de conseil, de stratégie et d’opportunités à saisir ou à reconsidérer.

🔎 Fiscalité des revenus : des ajustements qui rééquilibrent

La revalorisation de 1,8 % des tranches du barème de l’impôt sur le revenu suit l’inflation. Elle permet de limiter les effets de l’augmentation nominale des salaires sur la pression fiscale, mais reste un ajustement modeste dans un contexte de tensions budgétaires.

En revanche, l’instauration d’une contribution différentielle imposant un minimum de 20 % d’imposition effective pour les très hauts revenus constitue un tournant. Il ne s’agit pas d’un nouveau taux marginal, mais d’un plancher, visant à limiter les effets d’optimisation trop agressifs. Cette mesure pourrait nécessiter de revoir certaines stratégies de structuration de revenus (rémunération/dividendes) ou d’arbitrages entre supports.

Pour les CGP, le défi consiste à réinterroger la pertinence des structures patrimoniales existantes et à identifier les leviers de neutralisation ou d’optimisation dans un cadre plus contraint.


🏠 Immobilier : regain de complexité, perte de lisibilité

Le patrimoine immobilier est particulièrement ciblé cette année, avec plusieurs mesures allant dans le sens d’un durcissement ou d’un désincitatif :

  • La possibilité pour les départements d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux de 0,5 point crée une instabilité locale qui devra être surveillée de près dans les arbitrages géographiques.
  • La suppression de la niche fiscale liée à la cession d’un bien en location meublée non professionnelle (LMNP) met fin à une optimisation largement utilisée par les investisseurs. Cela affaiblit l’attractivité du meublé dans une logique de plus-value.
  • La reconduction temporaire de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit pour certains dons familiaux ouvre, a contrario, une opportunité ciblée pour les transmissions anticipées.

Dans l’ensemble, la fiscalité immobilière devient plus sélective. Les stratégies patrimoniales devront intégrer un suivi fin des seuils locaux, des nouveaux régimes de transmission, et des projections de rentabilité nettes après fiscalité et charges. Le couple rendement/fiscalité redevient un critère central.


📈 Capital, marchés et entreprises : prudence renforcée sur certains véhicules

Plusieurs signaux convergent vers une fiscalité accrue sur les produits financiers liés à des logiques de rendement ou de détention capitalistique :

  • L’augmentation de la fiscalité sur les rachats d’actions vise à encadrer une pratique jugée peu vertueuse, dans un contexte de recherche de recettes fiscales.
  • Le report de la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) pèse sur les perspectives des sociétés, notamment les PME, en réduisant leur capacité d’investissement.
  • La création d’un prélèvement sur les jeux en ligne et la taxation accrue de certaines niches sectorielles témoignent d’un élargissement de l’assiette fiscale aux sources de rentabilité alternatives.

Pour les CGP, cela implique une veille renforcée sur les véhicules d’investissement actions, particulièrement dans les enveloppes fiscalement attractives (PEA, assurance-vie), et une attention particulière aux sociétés peu capitalisées ou aux secteurs particulièrement exposés aux ajustements réglementaires.


🌍 Transition énergétique et fiscalité verte : vers une réallocation ciblée

L’augmentation de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, la fiscalité renforcée sur le transport aérien et les véhicules lourds ou polluants, et la hausse du prix de l’électricité forment un signal cohérent : l’incitation à la transition passe désormais aussi par le levier fiscal.

Pour autant, certaines aides à la rénovation énergétique ont été réduites, ce qui rend la stratégie de « verdissement » du patrimoine plus complexe. Il conviendra d’évaluer finement la rentabilité nette des projets de rénovation (dans le cadre de dispositifs comme MaPrimeRénov ou les aides locales), et de mieux articuler fiscalité, performance énergétique et valorisation à la revente.

Dans ce contexte, les supports ISR, les fonds à thématique transition ou les véhicules labellisés deviennent non seulement cohérents avec les nouvelles politiques publiques, mais également pertinents dans les allocations patrimoniales à long terme.


🧭 Conseiller dans un monde fiscal en recomposition

La Loi de Finances 2025 ne révolutionne pas tout, mais elle confirme une évolution plus profonde : celle d’un pilotage fiscal plus stratégique, plus politique, et potentiellement plus instable. Pour les professionnels de la gestion de patrimoine, cela renforce le besoin d’un accompagnement fondé sur la personnalisation, l’anticipation, et la capacité à relier les grandes tendances économiques aux choix concrets de leurs clients.

Il ne s’agit pas simplement de compenser la fiscalité par des niches. Il s’agit d’entrer dans une logique de trajectoire : où veut-on aller avec son capital ? Comment équilibrer performance, protection, transmission et sens ? Dans un monde en recomposition, le conseil patrimonial redevient un art stratégique.


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