🇫🇷 Économie de guerre : entre stratégie, sens et opportunité

Nous vivons un moment de bascule. L’économie de guerre n’est plus une hypothèse ou une rhétorique d’État : elle s’impose désormais comme un cadre concret, structurant, dans lequel les grandes puissances réorganisent leurs priorités économiques. En toile de fond : la guerre en Ukraine, les tensions géopolitiques grandissantes, la dépendance énergétique et l’urgence de retrouver une souveraineté industrielle.

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La France, comme ses voisins européens, annonce des investissements massifs dans sa défense. Ce réarmement budgétaire transforme la place de l’épargne dans l’économie. Et derrière ce mouvement politique, se dessine une question simple, presque intime : quelle part de notre capital sommes-nous prêts à mobiliser pour contribuer à la sécurité collective, tout en poursuivant nos objectifs patrimoniaux ?

Défense : un investissement d’État qui devient personnel

Avec l’ouverture annoncée par Bercy d’un fonds grand public dédié à l’industrie de défense – accessible dès 500 euros – le financement de la souveraineté nationale change d’échelle. Ce qui relevait de la seule sphère institutionnelle devient désormais ouvert aux épargnants. Le gouvernement souhaite mobiliser 450 millions d’euros à travers ce véhicule, piloté par Bpifrance, pour soutenir les PME stratégiques françaises et européennes.

Ce fonds n’est pas isolé. Assureurs, sociétés de gestion, banques : tous sont appelés à structurer une offre dédiée. L’objectif est clair, même s’il demeure discret : réorienter une partie de l’épargne des Français vers des secteurs que l’État considère comme critiques. C’est une évolution majeure du rôle que joue l’investisseur individuel dans l’économie.

Investir dans la défense : entre opportunité financière et logique politique

La défense est en passe de devenir un pilier d’allocation à part entière. Ce n’est pas une mode : c’est une tendance structurelle. L’Allemagne a lancé l’idée d’un fonds de 300 milliards d’euros pour sa propre industrie de défense. Et le rapport Draghi, attendu pour mi-2025, appelle à réorienter massivement les capitaux vers l’innovation technologique, la transition énergétique et la sécurité.

Ce changement d’échelle ouvre des perspectives tangibles pour les investisseurs : des flux stables, une demande soutenue par la commande publique, et des entreprises positionnées sur des segments stratégiques, à forte intensité technologique. L’horizon est long, mais l’amorçage est bien là. Pour celles et ceux qui investissent aujourd’hui, c’est peut-être un tournant comparable à celui qu’a représenté la tech au début des années 2010.

Sens, performance et gestion de patrimoine : un nouveau triptyque

Ce contexte invite les professionnels du patrimoine à franchir un seuil. Car s’il est question de rendement – et il l’est toujours – il est aussi question de cohérence. Investir dans la défense dérange parfois, interroge souvent, mais reflète aussi une réalité : nos systèmes économiques et sociaux dépendent désormais de notre capacité à financer ce que nous voulons préserver.

C’est là toute la contradiction. On investit d’abord pour soi, pour sa retraite, pour ses enfants, pour préserver son capital. Mais dans un monde instable, l’investissement individuel entre en résonance avec des enjeux collectifs. La souveraineté, la sécurité, la stabilité deviennent des actifs indirects du portefeuille.

Dans cette configuration, le rôle du conseiller change. Il ne s’agit plus seulement de gérer un risque ou d’optimiser une fiscalité. Il s’agit de guider une réflexion. D’accompagner un choix qui engage la personne autant que son capital. De proposer une allocation lucide, alignée avec les convictions, mais aussi avec les transformations profondes de notre économie.

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Ce qui se joue aujourd’hui dépasse une classe d’actifs ou une tendance sectorielle. C’est une redéfinition du contrat entre l’épargnant et la société. La souveraineté n’est plus un mot réservé aux discours de l’État. Elle entre dans les portefeuilles, dans les conversations patrimoniales, dans les arbitrages financiers.

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Reste à chacun – investisseur comme conseiller – de décider s’il souhaite s’y engager.

Pour approfondir le sujet :

La guerre hybride
Investissement et Ă©conomie de guerre

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