La loi PACTE a créé ce que l’on nomme « un véhicule universel » à propos du PER et de ses dérivés PER entreprise et obligatoire, PER que l’on peut de surcroit habiller du costume successoral de l’assurance-vie si on le souhaite pour cocher toutes les cases du fiscal !
Ce PER est aussi la nouvelle fleur carnivore qui a vocation à manger tous les vieux produits qui traînent ci ou là comme le Madelin, le PERP et le PERCO, sans oublier le tout bête contrat d’assurance-vie qui peut lui aussi succomber à la médiatisation du nouveau venu de l’épargne retraite excusez du peu !
On a donc un cadre économique assez clair, sur l’épargne et les transferts économiques divers de produits anciens. La chasse aux transferts est ouverte, et elle sera sanglante ! Malheur aux structures financières qui n’ont pas de commerciaux pour défendre leurs encours, qui vont de fait être convoités grâce à la superbe panoplie de transferts possibles par des conseillers à l’affût.
Encore une fois, si les objets financiers et les choix de supports sont à apprécier entre un PER hors assurance-vie et un PER assurance-vie ou un PERCO rhabillé en PER collectif, tout comme les savants calculs fiscaux entre « je déduis de mon revenu imposable mon épargne, mais je casque à la sortie en imposition du capital ou de la rente », … ou bien je ne déduis pas…, délicates simulations à faire, l’objet qui interpelle le plus reste le traitement civil d’une épargne de long terme, indisponible avant l’âge de la retraite, sauf les quelques cas particuliers habituels, face au divorce ou au prédécès de souscripteurs mariés et communs en biens.
L’histoire se répète. Au XXème siècle, l’assurance-vie a mis 60 ans pour s’émouvoir de l’origine des deniers dans ses contrats de capitalisation (arrêt Praslicka 31 mars 1992). Le PER et ses acolytes mettent une fois de plus sans états d’âme les pieds dans le plat de la communauté, avec un contrat résolument orienté sur la retraite de l’individu-citoyen-épargnant, tout seul devant « son » compte d’épargne retraite. Seulement voilà, il y a encore 44% des couples qui se marient (en 2010), et 90% des personnes mariées qui le sont en communauté d’acquêts, avec toutes les règles de partage et de solidarité que cela implique.
En cas de divorce ou de décès, il faudra faire les comptes de la communauté, et face à une épargne « non liquide » avant le terme de la retraite, cela pose quelques difficultés de comptabilité, difficultés qui croîtront avec le nombre de remariage pour une même personne…
Si l’on applique à l’épargne PER la jurisprudence 2006 de la Cour de cassation (épargne sur complémentaire Préfond – un produit non rachetable), le PER reste « par nature » un bien commun (Art. 1401 du Code civil).
Si l’on se base sur la jurisprudence 2014 de la même Cour (complémentaire Médéric), l’épargne n’étant pas rachetable au moment du divorce, on est en présence d’un bien propre par nature.
D’accord pour le bien propre « par nature » puisqu’il est unipersonnel et se dénoue en rente, mais on oublie juste l’origine des deniers
Si l’on termine par la jurisprudence 2018 (sur un Préfond à nouveau – C. cass. 17-13.392), la Cour entérine la nature « propre » de l’épargne unipersonnelle qui se dénoue en rente, mais pas contre, et heureusement pour la logique juridique, la Cour réaffirme le droit à récompense sur la base de l’origine commune de l’épargne en question. Tout simplement.
Commentaire AMC – l’épargne retraite, le PER et ses dérivés, est donc bien concernée par le droit à récompense en cas de liquidation de la communauté, notamment en cas de divorce. Lot de consolation, dans ses arrêts, à ce jour, la récompense porte sur les sommes versées et non sur les sommes en compte, privant la communauté des intérêts. Un détournement financier au profit du souscripteur, qui sur une épargne de long terme, représentera des montants significatifs.
Jean-Pascal AMIGUES