La révolution silencieuse est en marche. En France, plus de 1 000 milliards d’euros seront transmis d’ici à 2030, selon France Stratégie. Ce transfert massif de richesse ne bouleverse pas uniquement la répartition des capitaux : il redéfinit en profondeur les attentes vis-à-vis du conseil patrimonial.
Les bénéficiaires de ces transmissions n’ont pas 60 ans. Ils en ont 35. Ils sont plus connectés, plus exigeants, plus autonomes. Et surtout, ils ne perçoivent pas le patrimoine comme leurs aînés : ce n’est pas une fin en soi, mais un outil pour construire, transmettre, entreprendre ou s’engager.
Pour les professionnels du conseil, ce transfert générationnel ne se résume pas à un simple rajeunissement de la clientèle. Il marque un changement de paradigme.
Les héritiers d’aujourd’hui sont les enfants d’un monde digitalisé. Le rapport au conseil s’y est transformé : la norme n’est plus la rareté de l’information, mais sa surabondance. Ils sont habitués à tout comprendre en quelques clics, à comparer, simuler, décider… et parfois remettre en question.
D’après une étude de Deloitte (2023), 73 % des millennials attendent d’un service financier qu’il offre la même simplicité, lisibilité et réactivité qu’un service en ligne. Leur niveau d’exigence n’est pas technique, il est expérientiel. Ils veulent des outils, oui, mais surtout une relation claire et cohérente avec leurs besoins.
Autre point fondamental : cette génération ne dissocie plus investissement et engagement. D’après PwC (2022), 82 % des jeunes investisseurs souhaitent que leurs placements reflètent leurs convictions sociales ou environnementales. Ils ne veulent pas juste faire fructifier leur capital, ils veulent qu’il ait un sens.
Dans ce nouveau contexte, le conseil patrimonial ne peut plus se réduire à une série de rendez-vous ponctuels, souvent chargés, parfois intimidants. Il devient un parcours continu, interactif et fluide.
Ce parcours commence par la capacité à vulgariser l’essentiel : fiscalité, succession, donation, arbitrages d’allocation… Des sujets denses qui doivent être rendus lisibles et actionnables. Il repose aussi sur la capacité à rendre le client acteur de ses décisions, avec des outils intuitifs et des points d’étape réguliers.
Les conseillers qui s’inscrivent dans cette logique ne perdent pas en expertise, au contraire. Mais ils repositionnent leur valeur sur l’accompagnement dans le temps, l’anticipation des moments clés et la cohérence des choix. Le fond reste, la forme évolue : un accompagnement humain, enrichi par des outils qui fluidifient l’expérience, sans jamais la déshumaniser.
Autre évolution majeure : le rapport à l’autorité et à l’expertise. Les jeunes clients n’attendent plus un discours descendant. Ils souhaitent un échange. Cela ne signifie pas qu’ils doutent de la compétence du conseiller, mais ils veulent comprendre, questionner, décider avec lui.
Dans ce cadre, le rôle du professionnel devient plus proche de celui d’un curateur que d’un prescripteur. Il ne s’agit plus d’imposer une solution, mais de proposer des options, de les mettre en perspective, de créer un espace de choix éclairés. Cette posture suppose de maîtriser à la fois le fond (législation, produits, fiscalité) et la forme (pédagogie, disponibilité, transparence).
L’écoute devient centrale. Et avec elle, la capacité à articuler projets personnels, contraintes patrimoniales, aspirations sociales. Ce travail d’alignement, de contextualisation, est devenu l’essence d’un conseil sur-mesure.
Selon Kantar (2023), plus de la moitié des Français de moins de 45 ans se déclarent intéressés par un accompagnement patrimonial… mais seuls 15 % en bénéficient réellement. Cet écart ne traduit pas un désintérêt, mais une formidable opportunité : celle d’élargir le périmètre du conseil, de toucher une génération en demande, et de faire évoluer l’approche pour qu’elle résonne avec ses attentes.
Car le métier de conseiller en gestion de patrimoine a, lui aussi, profondément évolué. Les outils sont plus agiles, les modèles de suivi plus interactifs, les stratégies plus transversales. Et c’est précisément cette transformation continue qui rend la profession plus stimulante, plus stratégique, plus impactante.
Repenser le conseil, ce n’est pas renoncer à l’expertise. C’est l’exprimer autrement : avec plus de clarté, de pédagogie, de fluidité. C’est créer un lien plus fort entre la technicité du métier et les aspirations concrètes des clients. C’est rendre visibles les décisions invisibles. Et surtout, c’est continuer à faire du conseil patrimonial un espace de confiance, d’écoute et d’engagement dans la durée.
Ce que la génération montante attend du conseil patrimonial, ce n’est pas moins d’expertise, c’est plus d’intelligibilité, plus de réactivité, plus de lien. Elle attend un professionnel capable de traduire des choix complexes en décisions claires. De parler fiscalité sans perdre de vue la finalité. D’accompagner sans infantiliser.
La transmission est en cours. L’enjeu, désormais, n’est pas de la suivre. C’est de l’accompagner avec une posture adaptée, des outils alignés, et une vraie culture de l’écoute.
La gestion de patrimoine n’a jamais été aussi stratégique. Et la capacité à en faire un accompagnement éclairé, lisible, durable n’a jamais été aussi précieuse.